Revue de presse COP22

par Victor Vauquois

Après Marrakech, voici une revue de presse climat un peu anticipée pour coller à la riche actualité autour de la COP22 qui s’est terminée hier. Dans l’actualité climat des dernières semaines, retrouvez donc :
1/ Les enjeux de la COP22, en résumé : 
A Marrakech, la COP22 à l’épreuve des faits – Le Monde – 4 novembre ; où l’on revient sur le process de la COP21 à la 22, et sur les enjeux majeurs de cette COP : préciser les ­conditions de mise en œuvre de l’accord ; accélérer les efforts des Etats ; avancer sur les questions de financement et d’adaptation. (voir l’abécédaire pour une liste plus exhaustive).
Dans les épisodes précédents, une mise à jour rapide sur ce qu’est une COP et sur la ratification rapide et l’entrée en vigueur de l’accord de Paris juste avant la COP22.
Sur un constat plus critique, il est à noter que malgré l’accord les projets émetteurs de CO2 continuent de se multiplier dans le monde et que les contributions volontaires des Etats nous entraînent même si respectées à un réchauffement de +3,6°C…
Climat : la COP 22 de Marrakech se termine cette semaine, il serait temps d’accélérer ! – AlterEco+ – 14 novembre ; où après une première semaine de négociations lentes, Célia Gautier revient sur plusieurs enjeux majeurs : décisions reportées sur les règles d’application de l’accord ou la revue des engagements des États, blocages et tensions sur l’agriculture, les financements, l’adaptation, …
2/ … Et sa conclusion bien sur controversée :
COP 22: clap de fin sur le sommet climat de Marrakech, dans l’ombre de Trump – Libération – 19 novembre ; où l’on revient sur quelques principaux éléments de la COP22 après sa clôture : blocages sur les financements et l’agriculture, processus de révision accéléré mais pas approprié par les États, confirmation de l’accord de Paris après l’élection de Trump et méthode Coué pour croire en son irréversibilité.

Les ONG globalement déçues par la COP22 – La Croix – 18 novembre ; où l’on se penche sur la réaction des ONG françaises qui de façon générale critiquent le manque d’ambition et d’engagement nouveau des Etats, et leur tendance à « se décharger de leurs responsabilités sur les acteurs non étatiques ». > Dans le détail, le Réseau Action Climat critique la légèreté des États, surtout les plus développés, qui n’ont rien apporté de nouveau à Marrakech ; Attac France dénonce des promesses qui s’éloignent de plus en plus et une démission des États vers le secteur privé avec la croyance qu’il va tout régler ; et le CCFD, le Secours Catholique et Action contre la faim déplorent spécifiquement les blocages sur l’agriculture et la démission sur le sujet des États au profit d’initiatives privées.

> La fin de la COP, c’est aussi l’occasion de déclarations de Marrakech, celle de la société civile mobilisée en marge de la COP qui pose plusieurs exigences pour rester sous la barre des +1,5°C, et celle des États qui réaffirment leurs engagements de la COP21 sans en apporter toutefois de nouveaux.
> Pour la suite, la COP23 sera présidée par les Iles Fidji et la COP24 sans doute en Pologne.
3/ Du côté des États, annonces variées et recherche de leadership :
COP22 : climat en danger cherche leadership désespérément – Novethic – 15 novembre ; où la question du leadership mondial sur le climat se repose suite à l’élection de Trump, aucun État ni zone n’ayant l’air de s’y être préparé ni de vouloir ou pouvoir particulièrement relancer la dynamique.
À la COP22, l’échéance 2050 joue les cache-misères – Euractiv – 17 novembre ; où l’on s’intéresse aux stratégies bas carbone à horizon 2050 déposées par plusieurs États, villes et entreprises pendant la COP, qui ont du mal à convaincre car ne relevant pas les ambitions à court terme.
Deux études parues pendant la COP montrent l’une que les États ont « fait peu de progrès » dans leur action climatique depuis l’adoption de l’accord de Paris, l’autre leur action un par un via un indice de performance climatique qui met la France et le Maroc à l’honneur, et l’Arabie Saoudite, le Canada et l’Australie à la fin du classement.
Dans le détail pour plusieurs États :
– Au Maroc, qui se veut nouveau champion du climat et à l’honneur du classement des États, les subventions aux produits pétroliers ont été supprimées et les énergies renouvelables progressent vite, mais le pays reste très consommateur de butane. Le spectre de l’exploitation des gaz de schiste plane également, ainsi que la critique de projets solaires pharaoniques comme à Ouarzazate qui interroge tant il concentre les capitaux et la production. 
– L’Europe pourrait être un acteur reprenant une part du leadership, mais un rapport de l’Iddri tout juste paru pointe le fait qu’elle « n’est actuellement pas « sur les rails » pour atteindre ses objectifs d’ici 2030 et 2050« , et que la question de la répartition de l’effort n’est toujours pas réglée. Pire, de nouvelles révélations montrent qu’elle prépare un paquet législatif « qui pourrait subventionner de nouvelles centrales à charbon, et affaiblir les renouvelables en Europe »…
Une quarantaine d’États du sud, les plus menacés par les conséquences du dérèglement climatique et réunis dans le « Climate vulnerable forum » se sont en fin de COP engagés « à mettre fin aux énergies fossiles et à atteindre 100% d’énergie renouvelable « le plus rapidement possible », soit au plus tard entre 2030 et 2050″.
L’Arabie saoudite et l’Australie ont toutes deux tout récemment ratifié l’accord de Paris, même si la concrétisation en actes se fait attendre, comme le rappelle le classement de performance climatique par Etat.
L’Allemagne a présenté son plan pour réduire ses émissions de CO2 « de 80 % à 95 % » d’ici à 2050, mais qui a été atténué notamment sur les volets transports et charbon, et n’est pas sans contradictions ni critiques.
– Le Royaume-Uni a lancé un plan de sortie du charbon et d’investissement dans les renouvelables pendant la COP.
Au Canada et au Mexique, mal notés, les deux pays ont pourtant rendu leurs feuilles de route pour une stratégie bas carbone d’ici 2050.
– La COP22 était aussi censée être celle de l’Afrique : l’occasion de revenir sur plusieurs enjeux du continent, entre financements, tensions fossiles/renouvelables, électrification. 
4/ Tandis que le spectre de Donald Trump plane sur les négociations…
Climat : la lutte se poursuit, avec ou sans Washington – Libération – 15 novembre ; où l’élection de Trump porte un coup de massue aux négociateurs à la COP22, laisse de nombreuses incertitudes sur les suites de l’accord de Paris, mais a au moins poussé les autres États à réaffirmer leur attachement à l’accord. 
Climat : Trump pourrait profiter d’une faille juridique pour sortir de l’accord de Paris – Le Monde – 12 novembre ; où l’on balaie les différentes conséquences possibles de l’élection de Trump sur l’action climatique des États-Unis – sortie de l’accord de Paris en 4 ans, de la convention-cadre de l’ONU en un an seulement, ou simplement ne pas respecter ses engagements… sans être sanctionné.
Pour aller plus loin :
– Des militants climatiques (1) (2) et universitaires réagissent et dénoncent la tentative de minimiser l’impact de l’élection de Trump : sortie ou pas sortie de l’accord de Paris, là n’est pas le sujet, mais plutôt celui de son application qui elle est gravement compromise par l’élection de Trump. Ils en appellent à laisser de côté la prophétie auto-réalisatrice de l’accord, mener une nouvelle bataille culturelle et affective pour faire intégrer les enjeux climatiques et redoubler d’efforts dans les mobilisations citoyennes hors Cop pour le climat.
– Bastamag balaie le profil de la future administration Trump où l’on retrouve climato-sceptiques et représentants des marchés financiers… qui en ont financé la campagne.
– Maigre rayon de soleil, une juge a reconnu recevable aux Etats-Unis « la plainte de 21 enfants âgés de 9 à 20 ans, qui affirment que l’État fédéral a failli à sa mission de protéger « la vie, la liberté et la propriété », des dangers du dérèglement climatique ».
– Les représentants américains à la COP ont voulu rassurer et minimiser l’impact de l’élection de Trump et rappeler leurs engagements en présentant leur plan de développement bas-carbone à l’horizon 2050, mais en admettant que son application était incertaine… Ban-Ki-Moon et des chefs d’État ont également appelé Trump à ne pas dénoncer l’accord, ainsi qu’un groupe d’entreprises.
– D’aucuns comme le candidat Sarkozy ont encore proposé d’instaurer une taxe carbone sur les produits américains importés si Trump dénonce l’accord de Paris… ce à quoi se refusent l’Allemagne et la Commission européenne
5/ Focus sur deux questions centrales : financements et agriculture :
Celle des financements, avec notamment la feuille de route des 100 milliards de dollars par an à mobiliser par les pays développés : l’occasion de faire le point sur où l’on en est, mais aussi sur leur attribution très critiquée car n’allant que peu aux personnes qui sont les plus durement touchées par le changement climatique et en sont les moins responsables. C’est pourquoi Oxfam pointe spécifiquement l’enjeu des famines et appelle les Etats à accroître la mobilisation du financement de l’adaptation.
Pour aller plus loin, RFI revient sur des cas concrets et la difficulté pour de nombreux projets africains d’accéder à ces fonds, tandis que la Banque Mondiale pointe le coût sous-estimé des catastrophes naturelles dans une étude qui plaide également pour plus et de meilleurs financements de l’adaptation au sud. 
Celle de l’agriculture : A la COP 22, l’accord sur l’agriculture en friche – Libération – 17 novembre ; où l’on se penche sur le report d’un texte sur l’agriculture qui devait être adopté à Marrakech, à cause du traditionnel conflit entre pays du sud et du nord sur la place à donner à l’atténuation et à l’adaptation… et sur les initiatives qui avancent malgré tout. 
Plus en détails, retours sur les questions de pêche et de résilience, sur le plaidoyer d’organisations paysannes qui rejettent la préemption des terres agricoles pour le stockage de carbone compensatoire d’autres émissions, sur le lobbying du CGIAR (réseau mondial des centres de recherche dédiés à l’agriculture), ou encore sur la proposition d’une étude britannique de taxer les aliments selon leur empreinte carbone.
6/ Du côté de la société civile, mobilisations variées pour la justice climatique
A Marrakech, une marche pour le climat très politique – Le Monde – 14 novembre ; où l’on revient sur la traditionnelle marche mondiale pour le climat en parallèle des COP, cette année marquée par des dissensus sur l’opposition à avoir avec le régime marocain taxé de greenwashing.
De nombreuses ONG et organisations de la société civile se sont mobilisées en marge de la COP pour y porter des plaidoyers sur des sujets touchant le climat :
Le mouvement de désinvestissement a rassemblé plus de 400 organisations réclamant dans une lettre ouverte de renoncer à tout nouveau projet fossile. Particulièrement, la lutte des peuples autochtones d’Amérique du Nord contre les projets fossiles comme Standing Rock a été relayée. Plus spécifiquement, les banques (et particulièrement les banques françaises) et leurs investissements dans ces projets sont aussi visées par une campagne.
La question de la gestion de l’eau et de la lutte contre le stress hydrique généré par le dérèglement du climat revient dans les débats, notamment sur l’adaptation. Une coalition s’est formée, qui lance un appel pour une intégration de ces questions, la préservation ou la restauration du cycle de l’eau, et une gestion qui s’enracine dans les besoins et les aspirations des populations locales. L’exemple marocain de la protection des oasis par les populations vient illustrer cela ; tandis que la plateforme Océan et climat poursuit aussi sa mobilisation pour « inscrire dans les contributions de chaque pays un plan d’action « océan » relatif aux littoraux, aux populations, aux écosystèmes, … ». En fin de Cop, quelques financements ont été débloqués pour la résilience des zones côtières en Afrique.
Côté religions, plus de deux cents responsables religieux ont publié une déclaration commune pendant la COP appelant les fidèles, les emprunteurs et les États à sortir des énergies fossiles. Le pape François a aussi spécifiquement appelé à ce que l’accord de Paris sur le climat soit mis en œuvre de façon « correcte et efficace ».
7/ Et à la COP, initiatives et coalitions économiques et financières diverses… et critiquées :
 > De façon générale, « ces initiatives sont recoupées sur la plateforme Non-State Actors Zone Climate Action (NAZCA), qui répertorie plus de 12 500 initiatives, dont plus de 2 500 de la part de villes et un peu plus de 2 100 de la part d’entreprises ». Pour plus de détails sur la « finance verte », Novethic a réalisé une synthèse.
> Mais cette place prééminente des entreprises est aussi très critiquée sur les « fausses solutions » déployées et le greenwashing de certains, comme le pointent l’Observatoire des multinationales et Attac Maroc, Reporterre sur l’agro-industrie ou encore certaines publicités plutôt osées
Dans le détail :
– Plusieurs initiatives africaines ont émergé, avec le Climate Finance Day du 4 novembre pour développer la finance climat et les « investissements verts » en Afrique, concrétisé pendant la COP22 par le lancement d’un réseau d’investisseurs et la transformation d’I4CE en think tank Nord-Sud sur le climat.
– Sur la sensibilisation générale des entreprises, l’initiative « Earth on board » cherche à convaincre les CA des grandes entreprises pour les pousser à agir, ; tandis que Caring for Climate (C4C) regroupe 453 entreprises qui « s’engagent à définir des objectifs précis pour réduire leur empreinte carbone ».
– Sur les renouvelables, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI) lancée à la COP21 continue d’avancer, ainsi que SE4All (Sustainable energy for all) qui vise à développer les partenariats public-privé pour « garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable », ou encore RE100, initiative mondiale qui « vise à impliquer, soutenir et promouvoir les entreprises qui se sont engagées à utiliser à 100% les énergies renouvelables ».
Un nouveau partenariat, co-présidé par le Maroc et l’Allemagne, a aussi été lancé le 15 novembre, qui vise à « s’assurer que les pays reçoivent le soutien technique et financier dont ils ont besoin pour atteindre des objectifs climatiques ambitieux », sous forme d’une « plateforme de collaboration essentielle pour aider les pays à intégrer leurs NDC dans tous les secteurs et à tous les niveaux de prise de décision ».
– Sur le prix du carbone et ses marchés, la Carbon Pricing Leadership Coalition (CPLC) s’est spécialisée dans la question du prix et de sa mise en oeuvre, et réunit 25 pays et quelque 130 entreprises. L‘occasion de revenir sur des effets pervers de ces marchés, qui par exemple ne bénéficient pas ou peu à l’Afrique.
– Sur le plan du développement technologique, la « Mission innovation » des Etats et la Breakthrough Energy Coalition des acteurs privés investissent ou vont commencer à investir des milliards de dollars dans la recherche et le développement en énergies « propres ».
L’initiative CREWS qui regroupe l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’ONU et la Banque Mondiale vise à mobiliser 100 millions de dollars pour aider iles et pays les plus pauvres à mieux anticiper et repérer les catastrophes naturelles. 
Et dans le reste de l’actu :
Les impacts du réchauffement climatique de plus en plus tangibles
Les émissions mondiales de CO2 se stabilisent, mais le climat continue de s’emballer – Le Monde – 14 novembre ; où le Global Carbon Project(GCP), un consortium scientifique, montre chiffres à l’appui que les émissions mondiales de CO2 ont stagné en 2015… mais admet que les chiffres sont minimisés par manque de données fiables, et que « la stabilisation des émissions mondiales est loin de suffire aux objectifs climatiques définis par l’accord de Paris ».
Pour mieux visualiser le changement climatique, une étude vient montrer qu' »un vol Paris-New York fait s’évaporer trois mètres carré de glace arctique« , tandis que Sylvestre Huet revient en cartographies, simulations et graphique sur l’ampleur de la fonte des glaces polaires… et qu’une étude montre que le dérèglement climatique est responsable de la mort de 61000 rennes en Sibérie ces derniers mois. 
Autres illustrations, Bastamag liste « dix lieux où les conséquences du changement climatique sont déjà dramatiques« , et l’Allenvi vient de publier « La Méditerranée face au changement climatique« , état des lieux de la recherche scientifique sur l’évolution du climat et ses conséquences en Méditerranée. Et pour aller encore plus loin, faut-il partir dans l’espace ? Oui pour l’association Eurospace qui défend le spatial comme outil d’observation du climat et demande un vrai leadership européen en la matière. 
En France, retour sur quelques mobilisations, avec notamment le lancement de la nouvelle saison des faucheurs de chaises, qui réclament une meilleure lutte contre l’évasion fiscale et une affectation de ces ressources à l’action climatique. Slate revient également dans un article sur l’émergence et la montée en puissance du mouvement climatique basque Bizi.
Mauvaises nouvelles du côté des transports, avec une décision administrative autorisant les travaux à Notre-Dame-des-Landes, et le relancement de projets autoroutiers opaques… mais aussi un retour sur le fiasco de l’écotaxe supprimée définitivement de la législation française.
La bataille climatique autour du traité de libre-échange CETA continue : le Monde et Reporterre pointent les incompatibilités entre lutte pour le climat et cet accord, tandis qu’Alter Eco+ revient sur les péripéties récentes autour d’un « nouveau CETA » qui aurait été signé le 30 novembre après le véto wallon… et démontre que le nouveau texte n’a quasi rien de nouveau. L’Aitec revient également sur la décision de la présidence du Parlement Européen d’interdire le débat dans les commissions emploi et environnement…
Au niveau des mobilisations, 500 activistes ont également mené des actions spectaculaires pendant 3 jours à Bruxelles contre TAFTA et CETA.
Chaud et froid au niveau de la transition énergétique, qui affiche des signaux variés : si l’Agence internationale de l’énergie estime que « l’éolien et le solaire devraient être les grands gagnants des vingt-cinq prochaines années », les prévisions publiées par Bloomberg New Energy Finance montrent que l’investissement dans les renouvelables risque d’être en repli historique au cours des cinq prochaines années. Autres données, une production record de pétrole est à signaler en octobre, tandis que le renouveau du nucléaire voulu par certains bute sur la nouvelle et forte concurrence des renouvelables. L’occasion de revenir enfin sur le poids méconnu des millions de puits d’hydrocarbure abandonnés.

Bonne lecture !